En quoi consiste la clause limitative de responsabilité ?

Qu’il s’agisse de la France, des États-Unis, du Canada, ou du Royaume-Uni, le droit des contrats est régi par la liberté contractuelle, selon laquelle la partie défaillante au contrat engage sa responsabilité, de sorte à pouvoir être redevable du paiement de dommages et intérêts.

Ce principe qui régit le régime de la responsabilité contractuelle, ne connaît pourtant pas une application absolue puisque la responsabilité des cocontractants peut être limitée par des clauses spécifiques, on parle alors de clauses limitatives de responsabilité, faculté commune aux quatre juridictions mentionnées ci-dessus.

La clause limitative de responsabilité en droit codifié (France et Québec)

En droit français comme en droit québécois, le recours aux clauses limitatives de responsabilité présente l’avantage d’être codifié.
L’usage d’une clause qui limite la responsabilité d’une partie à une convention est principalement fait en droit des contrats commerciaux, soit principalement lorsqu’il s’agit de régir les relations entre professionnels.
On trouve alors classiquement, deux types de clauses :

Les clauses limitatives de réparation : qui fixent un plafond du montant des dommages et intérêts pouvant être requis ;
Les clauses de limitatives ou exonératoires de responsabilité : qui permettent à la partie qui ne remplit pas son obligation de limiter sa responsabilité voire d’échapper à toute sanction ;

À titre d’exception principale, le consommateur français est protégé en vertu du Code de la consommation (article R 212-1) qui dispose que de telles clauses de limitation ou d’exonération de responsabilité figurent parmi la liste des clauses « noires », soit interdites et présumées abusives de manière irréfragable, et par conséquent qui sont des clauses réputées non écrites.
De la même manière, au Québec « Est abusive toute clause qui désavantage le consommateur ou l’adhérent d’une manière excessive et déraisonnable, allant ainsi à l’encontre de ce qu’exige la bonne foi; est abusive, notamment, la clause si éloignée des obligations essentielles qui découlent des règles gouvernant habituellement le contrat qu’elle dénature celui-ci » (article 1497 du Code civil québécois).

Du côté des professionnels, outre certains textes spéciaux, une telle interdiction n’est pas posée par le droit positif français puisque les clauses imitatives de responsabilité sont possibles à condition que certains critères fixés par la jurisprudence de la Cour de cassation soient respectés : la clause limitative de responsabilité doit être connue et acceptée par le cocontractant (Cass. chambre commerciale 24/01/1983 n°81-13.722). Ainsi et à titre d’exemple, elle doit avoir été clairement portée à la connaissance du cocontractant et ne saurait dès lors être rédigée avec une police d’écriture difficilement lisible (Cass. civ 1ère 31/05/1983 n°82-10.530) ;

Deux arrêts importants encadrent l’application des clauses limitatives de responsabilité.

Le premier, la jurisprudence Chronopost du 22 avril 2005 (Chambre mixte n°03-14.112), exclut l’application de clauses limitatives de responsabilité en cas de faute lourde du cocontractant qui évoque le bénéfice de la clause, et rappelle qu’une telle clause ne doit pas contrevenir à une obligation essentielle du contrat.
Précisions renforcées avec l’arrêt Faurecia du 29 juin 2010 ( ), rappelant que « seule est réputée non écrite la clause limitative de réparation qui contredit la portée de l’obligation essentielle souscrite par le débiteur ».

Il ressort de ces décisions que :

▪ Une clause ayant pour effet de limiter la responsabilité du débiteur en cas de manquement à une obligation essentielle de celui-ci est réputée non écrite, et donc sans effet ;
▪ Il n’est pas nécessaire de caractériser la gravité de la faute du cocontractant, son simple manquement à une obligation essentielle suffit à caractériser la faute lourde.

Cette jurisprudence se trouve par ailleurs codifiée depuis l’ordonnance du 10 février 2016 venue refondre le Code civil, qui prévoit désormais à son article 1170 que « toute clause qui prive de sa substance l’obligation essentielle du débiteur est réputée non écrite ».

Le Code civil québécois codifie dans des termes similaires la volonté dégagée par la jurisprudence française :

▪ Article 1474 « Une personne ne peut exclure ou limiter sa responsabilité pour le préjudice matériel causé à autrui par une faute intentionnelle ou une faute lourde ; la faute lourde est celle qui dénote une insouciance, une imprudence ou une négligence grossières. Elle ne peut aucunement exclure ou limiter sa responsabilité pour le préjudice corporel ou moral causé à autrui ».
▪ Article 1475 : « Un avis, qu’il soit ou non affiché, stipulant l’exclusion ou la limitation de l’obligation de réparer le préjudice résultant de l’inexécution d’une obligation contractuelle n’a d’effet, à l’égard du créancier, que si la partie qui invoque l’avis prouve que l’autre partie en avait connaissance au moment de la formation du contrat ».

Les clauses limitatives de responsabilité dans les pays de Common Law : le cas des USA du Canada (hors Québec) et du UK

Les pays du Common Law connaissent également l’application d’une clause limitative de responsabilité en matière de responsabilité contractuelle qui est valable, à condition de présenter un caractère raisonnable.

À ce titre et notamment pour lutter contre les clauses abusives, au Royaume-Uni, la loi de 1977 dite « Unfair Contract Terms Act » ou « UCTA » prévoit que de telles clauses (les « limitation clauses » et les « exemption clauses ») doivent présenter un caractère équitable et raisonnable, évalué notamment par le biais d’un test effectué en tenant compte des circonstances de l’espèce.
La jurisprudence anglaise a cependant au fil du temps adopté la théorie du « fundamental breach », excluant l’application d’une clause limitative de responsabilité lorsqu’elle touche une clause fondamentale du contrat, soit une obligation tellement importante (« fundamental term ») que sans elle, le contrat n’aurait pas lieu d’exister. Pour plus d’informations, voir notre récent article à ce sujet.

Du côté des USA, comme évoqué dans un précédent article, vu l’étendue et la diversité de dommages et intérêts qui peuvent être réclamés, il est fréquent que les conventions excluent expressément et spécifiquement certains types de dommages du cadre de la responsabilité contractuelle.
Dans le cas où vendeurs et acquéreurs sont sur un même pied d’égalité, les clauses limitatives de responsabilité sont valables, à condition de respecter certains critères :

▪ La clause doit intégrer plusieurs mots-clés imposés par la loi selon le type d’exclusion ;
▪ La clause doit être rédigée clairement : en majuscules ou en utilisant des caractères mis en gras ;

Enfin, au Canada (hors Québec), de telles clauses restent admises, mais la jurisprudence, concernant leur validité a longtemps hésité à retenir soit un critère d’iniquité, un critère d’interprétation manifestement déraisonnable, ou le critère de l’ordre public.
L’affaire Tercon Contractors Ltd. c. Colombie-Britannique en 2010 a unifié le critère de détermination de la validité ou non d’une clause limitative de responsabilité en retenant uniquement celui de l’iniquité.
La Cour Suprême du Canada a, à ce titre, précisé que même si une clause limitative de responsabilité ne constitue pas une iniquité à l’égard des parties, le tribunal peut décider de sa non-application lorsqu’elle va à l’encontre de l’ordre public. Pour plus d’informations, voir notre récent article à ce sujet.

En matière de technique contractuelle, dès lors qu’il s’agit de localiser, rédiger ou négocier ses contrats ou CGV dans un droit étranger, en particulier dans un droit non écrit comme celui des pays de la common law, de culture juridique très différente, il est très important d’être conseillé par un avocat rompu aux différences avec le droit civiliste français et admis aussi bien en France que dans le pays de common law concerné. En tant qu’avocat français, anglais, américain et canadien, et particulièrement rompu aux différences de technique contractuelle entre la France et les pays anglo-saxons – j’ai notamment exercé en entreprise dans des groupes américains aussi bien en France qu’au UK ou aux US pendant 15 ans – j’accompagne régulièrement mes clients dans la localisation, la rédaction et la négociation de leurs contrats en Angleterre ou en Amérique du Nord. En conséquence, n’hésitez pas à me contacter si vous avez besoin d’aide dans ce domaine. Pour plus d’informations je vous invite à visiter ma page Avocat d’Entreprise.

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