La négociation d’une clause d’indemnisation en droit américain des contrats : un processus en plusieurs étapes

Dans un article précédent sur les clauses d’indemnisation en droit américain des contrats, nous avons examiné le vocabulaire utilisé par ces clauses ainsi que les conséquences qui peuvent découler de l’utilisation de certains termes précis.

Dans le présent article, nous proposons un bref survol des différentes étapes clés pour l’élaboration d’une clause d’indemnisation en droit américain complète et adaptée à la situation particulière entre les parties concernées.

Premièrement, il faudra identifier la partie qui bénéficiera de la clause d’indemnisation, c.-à-d. la « partie indemnisée » (« indemnified party » en anglais). Selon le principe de liberté contractuelle, les parties adapteront le contrat selon leur volonté et leurs besoins. L’une ou l’autre des parties à l’accord, ou les deux peuvent être des parties indemnisées, selon que la clause d’indemnisation est structurée comme une indemnisation unilatérale ou une indemnisation mutuelle.

De plus, lorsqu’elles identifient la ou les partie(s) indemnisée(s), les parties doivent tenir compte de l’impact des autres stipulations de l’accord, telles celles portant sur les tiers bénéficiaires (« third-party beneficiaries» en anglais). Pour rappel, une clause de tiers bénéficiaire est utilisée pour accorder à un tiers au contrat la possibilité de faire valoir des droits en vertu de l’accord et, dans le cas présent, de bénéficier de l’indemnisation. Les parties pourraient aussi décider d’inclure une clause de cession des droits (« assignment provision » en anglais), qui peut avoir comme effet de modifier ou d’étendre la liste des futures parties indemnisées.

Deuxièmement, les parties définiront le champ d’application de la clause d’indemnisation. Cela leur permettra de gérer les attentes en matière de risque et, conséquemment, d’éviter les litiges en lien avec l’interprétation et l’étendue de la clause d’indemnisation. Il est donc crucial pour chaque partie de définir précisément ses besoins avant de s’engager dans le processus de négociation. Elle doit aussi s’assurer d’évaluer le risque lié aux événements donnant potentiellement lieu à une indemnisation, ainsi que la probabilité qu’ils se matérialisent.

Cela signifie notamment que les parties devraient définir avec précision l’étendue de leurs obligations respectives, l’obligation de la partie indemnisante variant selon qu’il s’agit d’une obligation de « defend, indemnify and hold harmless » ou d’une obligation de « defend and pay », ainsi que le périmètre géographique de l’obligation (va-t-on indemniser l’autre partie des conséquences de toute réclamation, d’où qu’elle vienne ou seulement dans certains pays?), s’agissant d’une indemnisation en cas de plainte en contrefaçon, les droits de propriété intellectuelle concernés (e.g., brevets, marques, droits d’auteur), les conditions préalables à la mise en œuvre de l’indemnisation, les exclusions éventuelles, les remèdes offerts par la partie indemnisante à la partie indemnisée en cas de réclamation, les pertes recouvrables ainsi que les événements déclenchant la mise en œuvre de l’obligation.

S’agissant de la définition des pertes donnant lieu à l’indemnisation, chaque terme de la clause joue un rôle important et peut avoir des conséquences réelles pour la partie débitrice de l’obligation, mais aussi pour la partie bénéficiaire. Ainsi, bien que redondant au premier abord, chaque mot de l’expression « losses, liabilities, claims, or causes of action » (pertes, responsabilités, réclamations et causes d’action) a une signification individuelle particulière et sert un objectif spécifique. Il y a lieu de rapidement s’intéresser à la définition qu’a chacun de ces termes en droit américain.

  • « Losses » (pertes) : tout jugement, transaction, frais, coûts et dépenses couverts. La partie indemnisante ne devient responsable d’une perte qu’après que la partie indemnisée a effectué le paiement pour ladite perte.
  • « Liabilities » (dettes) : la partie indemnisante sera tenue responsable lorsque la dette est légalement imposée, mais avant que la somme ne soit versée.
  • « Claims » (réclamations) : cela inclut les dommages résultant d’un procès intenté par un tiers. La partie qui indemnise devient responsable d’une réclamation au moment où une partie, y compris un tiers, intente une action en justice.
  • « Causes of action » (causes d’action): cela comprend les dommages résultant d’un droit de demander réparation. La partie indemnisante devient responsable d’une cause d’action lorsque le droit de la partie indemnisée ou d’une tierce partie de demander réparation, selon le cas, prend naissance.

Il ne s’agit pas d’une liste exhaustive et ces termes peuvent être définis par les parties de manière pus précise, afin de couvrir les blessures corporelles ou le décès, les violations de confidentialité, etc. De plus, les parties devront déterminer s’il s’agit de réclamations directes (c.-à-d. un droit d’action que la partie indemnisée a contre la partie indemnisante) ou de réclamations de tierces parties (c.-à-d. un droit d’action qu’une tierce partie a contre la partie indemnisée).

Les parties devraient également aborder la question des honoraires d’avocats dans la clause d’indemnisation et, le cas échéant, préciser s’ils sont limités à des frais raisonnables. Soulignons que les frais d’avocat sont implicitement inclus dans l’obligation de défendre.
Les parties devraient aussi s’assurer de bien définir le(s) fait(s) générateur(s) de l’obligation d’indemnisation, par exemple, la violation de l’accord ou la négligence de la partie indemnisante.

La détermination de ce qui constitue le fait générateur de la responsabilité fait généralement l’objet d’âpres négociations, la partie indemnisée poussant pour que l’obligation d’indemnisation comprenne une « nexus phrase » large, utilisant des termes tels que « related to » (lié à), la partie indemnisante cherchant pour sa part à négocier des conditions limitées de mise en œuvre, préférant des termes tels que « solely resulting from » (directement causé par).

Il faudra définir quels événements sont couverts par la clause d’indemnisation, tels la violation du contrat par la partie indemnisante, ou les actes ou omissions de cette dernière. Cela présuppose également d’inclure des limites à l’obligation d’indemnisation, le cas échéant, ainsi que définir la durée de l’indemnisation. Il faudra donc adapter soigneusement le vocabulaire utilisé dans le contrat. De telles limitations pourraient inclure un plafonnement de l’indemnisation ou des exceptions à l’obligation d’indemniser de la partie indemnisante, entre autres.

Les parties doivent aussi s’entendre sur les exceptions à l’obligation d’indemniser. Ainsi, la couverture d’indemnisation exclut généralement les circonstances où les actions de la partie indemnisée causent ou contribuent au préjudice déclenchant l’indemnisation. L’indemnisation pourrait être exclue en cas de négligence grave de la part de la partie indemnisée, en cas d’utilisation des produits de façon non conformes aux spécifications, etc.

Soulignons que les contrats commerciaux en droit américain comportent souvent des clauses d’indemnisation mutuelle, selon lesquelles chaque partie pourrait être appelée à indemniser l’autre partie. Bien que mutuelle, l’obligation d’indemnisation n’est pas nécessairement identique ou proportionnelle à celle de l’autre partie. Une fois de plus, cela sera déterminé lors du processus de négociations.

La rédaction et la négociation d’une clause d’indemnisation, centrale à tout contrat américain, peut s’avérer être une tâche ardue. On ne saurait insister dès lors sur la nécessité pour les sociétés non familières avec les principes du droit anglo-américain d’être accompagnées par un avocat spécialisé, disposant d’une double formation en droit civiliste et de la common law, et donc capable d’expliquer les correspondances éventuelles entre des systèmes de droit souvent diamétralement opposés, et notamment coutumier des technique de rédaction, de négociation, et d’interprétation des clauses limitatives de responsabilité. Les avocats du cabinet S. Grynwajc sont admis comme avocats aussi bien en France qu’aux États-Unis. En conséquence, n’hésitez pas à nous contacter dès à présent ! Nous serons ravis de vous accompagner dans la rédaction et la négociation de vos contrats commerciaux outre-Atlantique.

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