Les garanties implicites (implied warranties) en droit canadien (hors Québec)

Les praticiens du droit français habitués à étudier l’application des règles de droit sur le plan national, peuvent trouver le droit canadien très complexe du fait de l’articulation permanente entre lois fédérales et lois provinciales.

Dans la matière propre aux relations contractuelles et plus particulièrement lors de l’élaboration de contrats de fourniture de biens, les implied conditions (conditions implicites) et implied warranties (garanties implicites) sont une notion récurrente et ont vocation à s’appliquer sur l’ensemble du territoire canadien, à l’exception du Québec. Car si, d’une façon générale, contrairement aux États-Unis, où l’Article 2 du Uniform Commercial Code (UCC) a été adopté par la quasi-totalité des États (à l’exception de la Louisiane), le Canada n’a pas une législation uniforme en matière de vente, en revanche toutes les provinces et territoires canadiens ont adopté des lois similaires en cette matière, exception faite du Québec, pour lequel les dispositions du Code Civil du Québec s’appliqueront.

En matière de vente de fournitures, bien que la législation provinciale puisse imposer certaines conditions les parties peuvent y renoncer expressément dans le contrat d’approvisionnement ; toutefois les usages qui régissent le marché sur lequel elles négocient font intervenir des conditions et garanties implicites.

Sans même être mentionnées au contrat, ces implied conditions et/ou warranties impliquent l’acceptation du contrat sous réserve de ces conditions et/ou garanties. Ainsi, quand bien même il est précisé que le bien est vendu « tel quel », l’acheteur bénéficie du droit à ce que les produits achetés soient raisonnablement adaptés à l’usage particulier auquel ils sont destinés, exempts de tout défaut, à l’exception de ceux mentionnés, et qu’ils lui permettent de bénéficier d’une possession paisible.

Ces conditions et garanties implicites sont de plusieurs types :
– une condition selon laquelle le vendeur a le droit de vendre les biens (implied condition of a right to sell the goods) ;
– une condition d’adéquation du bien à sa destination, et de qualité marchande (implied conditions as to fitness and merchantability) ;
– une condition selon laquelle le bien doit correspondre à sa description (implied condition of correspondence with description) ;
– une condition selon laquelle le bien doit correspondre à son échantillon (implied condition of correspondence with sample) ;
– une garantie comme quoi l’acheteur doit pouvoir bénéficier d’une possession paisible du bien (quiet possession) ;
– une garantie selon laquelle le bien est exempt de droits de tiers (freedom from encumbrances).

En effet, à l’instar du droit anglais, le droit canadien opère une distinction entre conditions et warranties, une distinction qui détermine le recours offert à l’acheteur en cas de violation. Ainsi, alors que la violation d’une garantie (warranty) ouvrira droit à une action en dommages et intérêts, un manquement à une condition donnera au créancier de l’obligation le droit de rejeter les biens et de résilier le contrat.

Si la condition implicite d’un droit à vendre les biens est assez facile à cerner, en revanche celles tenant à l’adéquation du bien à sa destination, et à sa qualité marchande sont plus difficiles à circonscrire.

La condition implicite de qualité marchande (implied condition of merchantability) s’applique lorsque les marchandises sont achetées sur la base d’une description par un vendeur coutumier de la vente de biens répondant à la description en question. Elle implique que les biens vendus soient de qualité marchande, soit pouvant faire l’objet d’une vente.

La condition implicite d’adéquation à un usage particulier intervient dans la situation où l’acheteur, de façon expresse ou par implication, a fait connaitre au vendeur l’utilisation particulière à laquelle il destine les biens, de telle sorte que l’acheteur se fie à la compétence ou au discernement du vendeur, et que les biens devront correspondre à leur description habituelle dans l’activité du vendeur. Dans ce cas, les biens devront être raisonnablement correspondre à l’usage particulier auquel l’acheteur les destine.

Cette condition est exclue pour les défauts constatés postérieurement, lorsqu’un examen des marchandises a été effectué par l’acheteur.
Une telle garantie implicite est applicable dans un contrat dès lors que :

– Le vendeur a connaissance de la finalité particulière pour laquelle les marchandises sont achetées ;
– La vente de la marchandise s’inscrit dans le cadre de l’activité du vendeur ;
– L’acheteur se fie à la compétence et au jugement du vendeur pour que les marchandises soient adaptées à l’usage particulier ;

Les conditions de correspondance des biens à leur description, dans le cadre d’une vente sur la base d’une description (quand l’acheteur n’a pas l’occasion de voir le bien avant de l’acquérir), ou à un échantillon de ceux-ci, dans le cadre d’une vente par échantillon, impliquent que les biens acquis correspondent à leur description ou à l’échantillon en termes de qualité, que le vendeur dispose de la possibilité raisonnable de comparer le bien acheté avec sa description ou l’échantillon et, s’agissant des ventes par échantillon, que les marchandises sont exemptes de tout défaut les rendant non commercialisables qui n’apparaîtrait pas après un examen raisonnable de l’échantillon.

Enfin, les garanties implicites (implied warranties) de possession paisible (quiet possession) et exemptes de droits de tiers (freedom from encumbrances) supposent, d’une part, une garantie de propriété impliquant que le vendeur dispose du droit de vendre les marchandises, en d’autres termes et à titre d’exemple les marchandises ne sont ni volées ni contrefaites, et que l’acheteur jouira d’une possession libre et tranquille des biens vendus, empêchant par exemple toute obligation de restitution de la marchandise, puis celle voulant que les biens achetés soient exemptes de tout droit de tiers.

Du fait de cette distinction au niveau provincial entre conditions et garanties s’agissant des ventes de biens,
et des recours différents découlant de leur violation, le rédacteur d’une clause d’exclusion en droit canadien
devra vérifier la législation de la province dans laquelle la vente a lieu afin de s’assurer que toutes les
conditions et garanties implicates en droit local sont bien exclues. On renverra le lecteur vers l’arrêt Chabot
v. Ford Motor Co. of Canada, 1982 CarswellOnt 132 (Ont. H.C.)

Un arrêt anglais, Air Transworld Ltd. V Bombardier Inc., 2012 WL 488354 (Q.B.D. Comm.), a notamment considéré qu’une clause d’exclusion qui n’a pas expressément fait référence aux conditions pourrait toutefois être interprétée comme s’appliquant également aux conditions. Reste à savoir à quel point une décision d’un tribunal anglais pourrait être prise en compte au Canada, particulièrement suite à la jurisprudence Chabot.

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