Le logiciel en droit anglais: un revirement jurisprudentiel ?

Le problème du traitement juridique du logiciel en droit anglais n’est pas nouveau. Un récent arrêt de la High Court anglaise vient pourtant de remettre de l’huile sur le feu sur cette question en remettant en cause une interprétation qu’on tenait acquise pour l’essentiel.

L’enjeu est de taille. En effet, de la résolution à la question du traitement juridique du logiciel dépend l’application ou non de certaines garanties implicites concernant le droit d’utilisation s’y rapportant, lesquelles garanties peuvent déterminer à leur tour l’issue d’un litige entre le concédant d’une licence d’utilisation portant sur son logiciel, et son client utilisateur.

Historiquement, en droit anglais, la licence de logiciel n’est pas considérée comme une vente. En effet, elle ne prend pas la forme d’un transfert des droits de propriété intellectuelle portant sur le logiciel mais davantage d’une concession d’un droit d’utilisation de ce logiciel contre le paiement d’une redevance, le titulaire des droits de propriété en conservant la pleine propriété. Sur un plan juridique ce traitement du logiciel a un certain nombre d’implications, à commencer par soustraire le contrat de licence à l’application du Sale of Goods Act 1979, la loi qui gouverne les contrats de vente de marchandises (goods). Le Sale of Goods Act implique un certain nombre de garanties implicites, et notamment les garanties selon lesquelles les marchandises devraient correspondre à leur description, être d’une qualité satisfaisante, ou encore que le vendeur aurait le droit de vendre les marchandises en question. En conséquence, un contrat de licence de logiciel soumis au droit anglais exclura typiquement avec succès toutes les garanties implicites associées à la vente de marchandises.

Récemment cependant la High Court anglaise, dans l’affaire The Software Incubator Ltd (“TSI”) v Computer Associates UK Ltd (“CA”) [2016] EWHC 1587 (QB), a considéré que le logiciel dont TSI, en tant qu’agent non-exclusif, faisait la promotion au Royaume Uni pour le compte de CA, était une marchandise aux fins de l’application des Commercial Agents (Council Directive) Regulations 1993 (Regulations”), la réglementation ayant incorporé dans le droit anglais la Directive européenne sur les agents commerciaux, laquelle réglementation permet l’octroi d’une réparation souvent très élevée à l’agent en cas de résiliation jugée abusive du contrat d’agent.

Selon la Cour, une licence perpétuelle de logiciel s’apparenterait à une vente de marchandise, une décision qui remettrait en question toute une jurisprudence contraire depuis l’arrêt St Albans City and District Council v International Computers Limited [1996], selon lequel un logiciel ne pouvait constituer une marchandise que s’il faisait l’objet d’une délivrance par le biais d’un produit tangible, tel un CD-ROM, consacrant la théorie selon laquelle le “mode de délivrance” du logiciel déterminerait son régime applicable.  Or, selon la Cour, le caractère essentiel (intangible) d’un logiciel ne dépend pas plus de son mode de délivrance que la nature tangible d’une marchandise dépendrait de ce qu’elle serait transportée en train, par bateau, ou par air.

En conséquence, les éditeurs de logiciels qui retiennent les services d’un agent commercial aux fins de revendre leurs produits au Royaume Uni devront réfléchir à deux fois avant de conclure à l’absence d’une vente de marchandise au sens du Sale of Goods Act 1979, ou encore que la nature intangible du logiciel implique que les Regulations ne trouveraient pas à s’appliquer à leurs contrats d’agent. Ces éditeurs gagneraient à s’assurer en particulier que leurs modèles de contrat d’agent et d’apporteurs d’affaires soumis au droit anglais sont rédigés de telle sorte à minimiser l’impact des Regulations.

Reste à connaitre les conséquences éventuelles de cette décision s’agissant notamment des licences annuelles d’utilisation de logiciel, des licences par abonnement, de “pay as you go”, ou encore des logiciels fournis dans le cadre d’une offre SaaS.

Affaire à suivre donc…

Pour plus d’informations sur comment s’implanter en Angleterre, nous vous invitons à vous référer à notre mini-guide.

Articles récents

Recevoir nos futurs articles*

* En renseignant votre adresse email afin de vous abonner à notre lettre d’information, vous consentez expressément au traitement de cette donnée personnelle aux fins de gestion des abonnements et d’envoi de notre lettre d’information. Vous pouvez à tout moment retirer votre consentement et demander à vous désabonner en nous contactant via notre “formulaire de contact”. Pour d’avantage d’information sur les traitements de données personnelles mis en œuvre sur ce site, veuillez consulter notre politique de protection des données.

Open chat
Hello, how can we help ?